
16. Cessions immobilières par les personnes publiques
La délibération formant une vente parfaite prévaut sur les éventuelles promesses de vente conclues entre les parties.
A n’en pas douter, cet arrêt doit attirer l’attention des collectivités lorsqu’elles envisagent de céder un immeuble ; notamment lorsque la délibération de cession immobilière est prise très en amont de la conclusion de la rédaction de la promesse de vente.
Tel est le sens et l’illustration apporté par l’arrêt de la CAA de Marseille du 9 février dernier (CAA Marseille, 9 février 2024, req. n° 23MA01182).
Par délibération du 1 octobre 2015, le conseil municipal du Lavandou a retenu l’offre de M. B. pour l’acquisition d’une parcelle et décidé de procéder à sa vente, sans subordonner cet engagement à des conditions suspensives et particulières. Par la suite, le maire a signé une promesse unilatérale de vente au profit de M. B. sous réserve de l’obtention par son bénéficiaire, dans le délai d’un mois, d’un permis de construire.
Le délai de validité de la promesse a finalement expiré sans que les conditions suspensives n’aient été levées et sans que les parties ne réitèrent la vente par acte authentique. C’est alors que le conseil municipal a, par délibération du 31 janvier 2017, constaté la caducité de la PUV initiale et décidé la vente au profit de M. A.
Forcément insatisfait, le premier acquéreur a contesté la délibération du 31 janvier 2017, estimant que la vente de 2015 à son profit était civilement parfaite, et ce indépendamment de la caducité de la PUV.
Saisie sur renvoi du Conseil d’État (CE, 12 mai 2023, n° 465482), la CAA de Marseille a repris l’article 1583 du Code civil, lequel dispose que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
En d’autres termes l’accord entre les parties doit être considéré comme parfait dès lors que l’accord sur la chose et le prix n’est subordonné à aucune condition particulière (CE, 26 janvier 2021, req. n° 433817).
En l’espèce, pour la CAA de Marseille la seule entrée en vigueur de la délibération du 1er octobre 2015 décidant la vente de la parcelle, sans condition particulière, au profit de M. B. au prix ferme de 668 000 euros « marque un accord entre les parties sur l’objet de la vente et sur le prix auquel elle doit s’effectuer ». La vente était donc parfaite pour le juge.
Dans ces conditions, pour la CAA de Marseille, il n’était pas possible, pour les parties, de conclure une promesse unilatérale de vente, affectée de diverses conditions suspensives (même usuelles) et d’un terme lié à la réalisation de ces conditions, sous peine de caducité du contrat puisque cela n’avait pas été prévu par la délibération du 1er octobre 2015.
En l’occurrence, les parties auraient dû réitérer la vente par acte authentique aux seules conditions de leur accord sur la chose et sur le prix.
A n’en pas douter, cet arrêt doit attirer l’attention des collectivités lorsqu’elles envisagent de céder un immeuble ; notamment lorsque la délibération de cession immobilière est prise très en amont de la conclusion de la rédaction de la promesse de vente.
En effet, les praticiens le savent, les cessions immobilières peuvent être sources de nombreuses négociations - et ce parfois jusqu’à la veille de la signature de la promesse… Or, l’ajout ou le retrait de clauses arrêtées lors de la décision de vendre l’immeuble a pour effet d’affecter la légalité des actes de cession puisque toutes les modalités juridiques de la vente ne figuraient pas dans la décision initiale.
Il est donc recommandé de faire délibérer le conseil municipal sur la cession immobilière lorsque les négociations sont le plus abouties possible, afin de figer les modalités juridiques de l’acte de vente et d’autoriser le maire (ou son représentant) à signer la promesse.
A l’évidence, la non précipitation à signer une délibération de cession permettra à la collectivité d’éviter qu’une vente parfaite « par négligence » se substitue à une promesse de vente qui ne reproduirait pas fidèlement les engagements arrêtés par l’organe délibérant.